jeudi 19 mars 2020

le moulin d'Aragon et Elsa Triolet - 1ere partie Elsa


Elsa Triolet


ELSA TRIOLET

La vie d'Elsa est marquée par ses voyages et les récits qu'elle en a faits. Elsa était née à Moscou, s'était mariée à Paris, avait vécu à Tahiti, Londres et Berlin, conservant toujours son accent russe. « Le mal de la langue est insupportable comme le mal du pays », écrivait-elle.



L'oeuvre d'Elsa côtoie nombre d'auteurs au risque de souvent rester dans leur ombre. Victor Chlovski publie d'abord leurs correspondances dans Zoo, lettres qui ne parlent pas d'amour ou la Troisième Héloïse en 1923, et Maxime Gorki les découvrant encourage la jeune femme à se consacrer à l'écriture.

Romancière, son écriture est portée par un regard perçant sur la société, mêlée de crainte quant à ses évolutions. Ses romans se construisent autour de ses personnages Martine, Blanche, Nathalie, Régis et Madeleine Lalande... Elle devient en 1945 la première femme à obtenir le prix Goncourt pour l'année 1944 avec le Premier Accroc coûte deux cents francs, recueil de nouvelles écrites pendant la Seconde guerre mondiale. Son écriture est faite d'observations et de collages, tout comme les pièces de la Maison sont encore habitées par des objets hétéroclites transformés, et les bijoux qu'elle fabriquait sont faits de matériaux récupérés.

Traductrice, Elsa Triolet s'est consacrée tout au long de sa vie à la poésie de Vladimir Maiakovski, ainsi qu'à promouvoir les romanciers et poètes russes (elle dirige une anthologie de la Poésie russe publiée en 1965). Puis elle traduit Aragon, Colette, ou André Gide en russe. Au côté d'Aragon elle publie des reportages liés à ses voyages dans les Lettres Françaises, des chroniques théâtrales, ainsi que des chroniques de mode.



En 1951, Aragon achète pour Elsa la russe, la déracinée, « un petit coin de France » à Saint-Arnoult-en-Yvelines : le Moulin de Villeneuve. Le couple ne se séparera plus jusqu’au jour où le cœur d’Elsa cessa de battre, le 16 juin 1970. Rostropovitch viendra quelques mois plus tard jouer la Suite n°5 de Bach pour son amie Elsa, enterrée là, entre les deux hêtres de la Villeneuve comme elle le souhaitait.



« Nous marchions sur la mousse de la forêt, avec ses arbres hauts et larges. La vue des hêtres me rendit triste comme si c’étaient des pierres tombales : nous en avions dans notre bois du moulin, c’étaient les plus beaux, les plus énormes hêtres que j’ai jamais vus...Il y en avait surtout deux, argentés, gigantesques, surplombant de loin le moulin, agrippés à la terre par des racines apparentes, ondulées, crochues, pattes à griffes de bête antédiluvienne.Les branchages s’en allaient si loin qu’on avait peine à croire qu’ils appartenaient toujours à ces deux arbres là.Sous cet univers de verdure, nous avions installé une table et un banc de pierre. Je disais alors à qui voulait l’entendre, que je souhaitais d’être enterré là, sous ces hêtres, à côté de Louis : ils serviraient de pierre tombales, il y en avait deux. La loi interdisait, paraît-il, de se faire enterrer chez soi, mais un souhait est un souhait. »

Elsa Triolet,  Le Cheval Roux - 1953

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