samedi 21 mars 2020

le moulin d'Aragon et Elsa Triolet - 2ème partie Louis



LOUIS ARAGON

« ....En une époque où la poésie hésite entre une tradition qui s’essouffle et une avant-garde qui se cherche, Aragon était sans conteste le premier des poètes français. Le plus éclatant. Le plus populaire. Le plus habile et le plus déchirant. Le plus connu en France et dans le monde entier.... Brillant, hautain, toujours mobile, provocant, il était capable de tout : du meilleur et du pire.

Son prodigieux talent prend les formes les plus stupéfiantes. Le même auteur qui écrivait un célèbre poème constitué d’un seul mot - « Persiennes » - indéfiniment répété est aussi celui qui compose les vers les plus traditionnels et les plus classiques de la littérature contemporaine :



Tes yeux sont si profonds qu’en me penchant pour boire

J’ai vu tous les soleils y venir se mirer

S’y jeter à mourir tous les désespérés

Tes yeux sont si profonds que j’y perds la mémoire...



Le même prosateur qui écrit Le Traité du style et ce livre magique plein de fantaisie et de rêves qu’est Le Paysan de Paris donne un admirable roman historique qui est un modèle du genre : La Semaine sainte, récit de la fuite de Louis XVIII au début des Cent-jours. La fresque sociale des Communistes et le roman d’amour d’Aurélien, l’un des plus beaux de tous les temps - « La première fois qu’Aurélien vit Bérénice, il la trouva franchement laide... » - nourrissent les fièvres opposées de Neuilly et de Billancourt. Les Cloches de Bâle ou Les Voyageurs de l’impériale décrivent avec allégresse, avec emportement la ruine d’une société, où son adresse narquoise est comme un poisson dans l’eau, et la naissance du nouveau monde qu’il appelle de ses voeux. Il dépeint avec le même bonheur une grève et un dîner en ville, le passage des Panoramas et les usines de l’Oural, tout le mouvement de l’histoire et un brin d’herbe au bord du chemin. Poète et prosateur également inspiré, critique, historien, romancier, polémiste redoutable, révolté de génie et révolutionnaire officiel, coeur d’un seul amour et de toutes les amours, il est, en une seule personne, Caliban et Ariel, l’homme libre et l’homme enchaîné, le rêveur et le commissaire de la littérature française. ....... »



extraits de Tombeau pour un poète de Jean d’Ormesson publié dans Le Figaro du samedi 25-dimanche 26 décembre 1982.

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